Avec Daria Saburova et Gilles Favarel-Garrigues (20h00, Maison du Peuple de Lausanne, salle Jean Villars-Gilles), en collaboration avec la branche suisse de Memorial.
Pour écouter la conférence:
Après l’échec d’une tentative d’invasion éclair de l’Ukraine, la guerre s’installe durablement dans l’Est de l’Europe. En résultent depuis février 2022 des dizaines de milliers de morts, des destructions gigantesques, des millions de personnes déplacées.
Comment comprendre les ressorts qui ont conduit à cette guerre de la part d’un régime engagé dans sa cinquième guerre (après la Tchétchénie en 1999/2000, la Géorgie en 2008, l’annexion de la Crimée et le Donbass en 2014, la Syrie en 2015) ? De nombreux commentateurs insistent sur des logiques géopolitiques, au détriment d’une analyse s’intéressant aux ressorts de la domination politique dans la Fédération de Russie. Cette dernière déroule une « spirale d’autoritarisme » du haut de l’État jusqu’aux fondements de la société doublée d’une haine de la démocratie. Quelles évolutions connaissent la société russe et le régime après deux ans de guerre ?
Alors que les mobilisations populaires ont été décisives, en février 2022, pour faire échec à l’invasion, dans quel état est la population dans un pays dont un cinquième du territoire est toujours sous occupation et qui subit quotidiennement de nombreuses opérations militaires ? Sur la base d’un travail de terrain, dans la région, de Kriviy Rih (centre métallurgique et minier au centre de l’Ukraine), il est possible de rendre compte des transformations récentes du pays, ici dans une région largement russophone et opposée au mouvement du Maïdan en 2014. Un tel retour permet de mettre à mal certains mythes largement diffusés sur les origines de cette guerre.
Deux interventions jetant un coup de projecteur sur deux sociétés en guerre. D’une part, un État agresseur mobilisant des ressources croissantes pour poursuivre cette guerre dont le régime dépend désormais, d’autre part un État bouleversé par les destructions et l’invasion. Ce regard croisé permet d’asseoir une solidarité sur la durée envers le peuple ukrainien tout comme envers les opposant·e·s russes, dans l’espoir d’une sortie de guerre dans des conditions de justice.
Daria Saburova est philosophe, membre du Réseau de solidarité avec l’Ukraine, auteure de Travailleuses de la résistance. Les classes populaires ukrainiennes face à la guerre (Éd. du Croquant, à paraître).
Gilles Favarel-Garrigues est politologue, directeur de recherche au CNRS, auteur de La verticale de la peur. Ordre et allégeance en Russie poutinienne (La Découverte, 2023).