24 février • Les discours

Discours prononcés lors du rassemblement qui a eu lieu à Lausanne le 24 février 2023:

  • Accueil
  • L’orchestre des aveugles, des sourd·es, des amnésiques, des bonimenteur·euses et des complices joue sa partition (Sébastien Abbet)
  • Prise de parole de Daria Zalesskaya
  • Discours de solidarité d’une membre russe du comité de solidarité

Accueil

Geneviève de Rham (Comité de solidarité vaudois)

Au nom du Comité de solidarité avec le peuple ukrainien et les opposants russes et biélorusses à la guerre, j’ai le plaisir de vous accueillir à ce rassemblement. Nous nous joignons à toutes celles et ceux qui, dans le monde, se réunissent aujourd’hui pour rappeler que les troupes russes ont envahi l’Ukraine il y a un an. Avec elles et avec eux, nous célébrons la mémoire de toutes les victimes de cette guerre. Nous nous mobilisons pour :

  • L’arrêt immédiat des bombardements et retrait de toutes les troupes russes d’Ukraine!
  • Le soutien à la résistance civile et militaire du peuple ukrainien!
  • La solidarité avec les opposant·e·s russes et biélorusses à la guerre de Poutine!

Depuis un an, le Comité de Solidarité avec le peuple ukrainien et les opposant-e-s russes et biélorusses à la guerre s’est attaché à développer des activités de solidarité et à expliquer, à l’encontre d’explications géopolitiques abstraites, que c’est la Russie qui a envahi l’Ukraine et que notre solidarité allait aux populations et non aux Etats. Nous avons tenu des stands au marché, appelé à des conférences, diffusé des flyers, communiqué sur notre site internet et les réseaux sociaux.

Le comité a également récolté des fonds. Une dizaine de milliers de francs pour aider des organisations progressistes ukrainiennes, plusieurs palettes de matériel médical pour 40’000 francs et tout récemment six palettes d’habits chauds. Vous trouverez toutes les informations à ce propos sur notre site internet.

Aujourd’hui, nous collectons de l’argent pour les Anges de Fer, qui distribuent de la nourriture et des produits d’hygiène dans des villages libérés dans la région de Kherson. Les Anges de Fer ont besoin de 5000 euros pour l’achat d’une camionnette d’occasion.  Hélène passera parmi vous pour récolter vos dons. Si vous désirez rejoindre notre Comité, la prochaine réunion se tient le jeudi 9 mars à 20h00, à la Maison du Peuple de Lausanne (Place Chauderon 5).

L’orchestre des aveugles, des sourd·es, des amnésiques, des bonimenteur·euses et des complices joue sa partition

Sébastien Abbet (Comité de solidarité vaudois)

Aveugles et sourd·es…

Peut-être ne savons-nous pas qu’il existe des Ukrainien·nes qui luttent contre l’invasion de leur pays et contre les politiques néolibérales de leur gouvernement. Peut-être ne savons-nous pas qu’il existe des organisations syndicales, étudiantes, féministes et politiques en Ukraine qui partagent nos combats et nos idées. Peut-être ne savons-nous pas qu’il existe des forces antiguerre et progressistes et des peuples opprimés dans la Fédération de Russie. Peut-être ne savons-nous pas qu’il existe des forces antiguerre et progressistes au Belarus. Peut-être n’avons-nous pas entendu Vladimir Poutine parler de la destruction de l’Ukraine et de la non-existence des Ukrainien·nes en tant que peuple.

Peut-être n’avons-nous pas saisi que les armées de la Fédération de Russie ont violé les frontières d’un pays indépendant (crime d’agression), bombardé des populations civiles (crime de guerre), déporté des adultes et des enfants (crime de guerre), utilisé le viol comme arme de guerre (crime contre l’humanité), etc. Peut-être ne savons-nous pas que si les armées poutiniennes se retirent sans conditions, de toute l’Ukraine, il n’y aura plus de guerre et que la paix redeviendra un horizon du possible. Peut-être ne savons-nous pas que si les Ukrainien·nes renoncent à résister, l’Ukraine sera détruite comme peuple et comme nation indépendante.

Peut-être ne savons-nous pas que si les Ukrainien·nes ne sont plus suffisamment armé·es, l’Ukraine sera détruite comme nation indépendante. Peut-être ne savons-nous rien ou si peu de choses. Mais est-ce une raison de croire les bonimenteur·euses ?

Amnésiques…

Peut-être avons-nous oublié la distinction entre les guerres légitimes – telles les guerres de libération nationale –, et les guerres impérialistes, de conquête ou coloniales – les guerres d’oppression. Peut-être avons-nous oublié qu’il y a une différence fondamentale entre une dictature fascisante et une république démocratique, aussi imparfaite soit-elle.

Peut-être avons-nous oublié que nous étions tchèques et que nous nous sommes battu·es contre l’annexion de notre pays et que certain·es disaient dit « non à la guerre » et que les armées nazies nous ont envahi·es. Peut-être avons-nous oublié que nous étions résistant·es dans l’Europe occupée et que certaines nous ont traité·es de terroristes et que d’autres nous expliquaient que les deux camps se valaient.

Peut-être avons-nous oublié que nous étions est-allemand·es, polonais·es, hongrois·es, tchécoslovaques, afghan·es et que nous nous sommes battu·es contre l’occupation et l’invasion soviétique et que certain·es nous disaient qu’il fallait défendre la « patrie des travailleurs » contre l’impérialisme.

Peut-être avons-nous oublié que nous étions amérindien·nes, que nous étions herero ou namas, que nous étions arménien·nes et que certain·es n’ont rien fait contre les génocides ou les ont applaudis. Peut-être avons-nous oublié que nous étions espagnol·es, catalan·es, basques… et que certains ont refusé de nous livrer des armes pour combattre les armées de Franco.

Peut-être avons-nous oublié que nous étions algérien·nes et que nous nous sommes battu·es pour libérer notre pays de la colonisation française et que certain·es se contentaient de dire «Non à la guerre» et «Paix en Algérie».

Peut-être avons-nous oublié que nous étions vietnamien·nes et que nous nous sommes battu·es, d’abord contre l’armée française puis contre celle des Etats-Unis et que certain·es se contentaient de dire «Non à la guerre» et «Paix au Vietnam».

Peut-être avons-nous oublié que nous étions syrien·nes et que nous battions contre la dictature de Bachar el-Assad, soutenue par la Fédération de Russie, et que certain·es disaient « Non à la guerre ».

Peut-être avons-nous oublié que des compagnons de Karl Marx se sont engagés dans l’armée de l’Union pour faire abolir l’esclavage. Peut-être avons-nous oublié que des anarchistes espagnol·es sont entré·es dans Paris sur les chars américains de la 2e DB.

Peut-être avons-nous oublié que nous étions russes, biélorusses, tchétchènes, géorgien·nes, que savons-nous encore, et que nous nous battons contre la dictature grand-russienne et que certain·es pensent qu’il ne faut pas humilier la Russie.

Peut-être avons-nous oublié que l’impérialisme étatsunien avait fourni des armes aux Chinois·es pour lutter contre le colonialisme japonais.

Nos vies et nos libertés justifiaient et justifient que nous résistions à l’impérialisme et à la dictature.

Les bonimenteurs·euses…

Nous ne voulons pas être passé·es sous silence et notre sécurité ne peut être considérée comme quantité négligeable au nom de la paix entre grandes puissances, au nom du maintien de l’ordre mondial.

Celles et ceux qui soutiennent les dictatures, celles et ceux qui soutiennent les agresseurs impérialistes, nous dénient le droit de résister (militairement ou non) pour défendre nos libertés, nos droits nationaux, nos droits en tant que peuples, nos acquis sociaux.

Celles et ceux qui veulent nous désarmer au nom de la « paix », choisissent la destruction de l’Ukraine et de son peuple. Celles et ceux qui soutiennent l’invasion des armées russes en Ukraine, celles et ceux qui ne veulent pas donner aux populations ukrainien·nes les moyens de résister et de libérer leur pays ne sont pas nos ami·es.

Celles et ceux qui parlent de « paix » en ne soutenant pas le droit légitime à l’autodétermination des peuples ukrainiens et le droit de vivre, celles et ceux qui rompent avec le soutien aux luttes de libération nationale se trompent et contribuent à saper les droits de tous·tes les citoyen·nes, en Ukraine et dans le monde.

Solidarité !

Source : https://www.syllepse.net/syllepse_images/solidarite—avec-lukraine-re–sistante–n-deg-16.pdf)

Prise de parole de Daria Zalesskaya (Together)

C’était l’année la plus difficile de ma vie. Une année d’attente et de vide, de désespoir et d’espoir. Une année de douleur non-humaine due à la perte, un océan de larmes et de destins à jamais brisés. Une année pendant laquelle nous n’avons pas vécu, mais survécu. Une année où nous nous sommes accrochés à l’espoir et à la lumière. J’ai appris qu’est-ce que c’est la haine.

Quand la guerre est arrivée, notre vie a été divisée en Avant et Après. Tout a changé. La vie s’est arrêtée à cette maudite date du 24 février ! Nous sommes devenus différents. Oui, nos blessures ne guériront jamais. Parce que c’est insupportable chaque jour de voir la mort qui prend les meilleurs!

Il est faux de dire que seuls ceux qui sont restés en Ukraine sont à la guerre. La plupart de ceux qui sont partis ne l’ont pas fait de leur plein gré, et certainement pas à la recherche d’une vie meilleure! C’était un saut dans l’inconnu, avec des enfants et un sac à dos sur les épaules, dans lequel on mettait toute la vie.

Comment pourrions-nous vivre en paix, sachant que nos hommes ont donné leur vie pour la liberté, pour le droit de vivre sur leur terre à eux? Comment pourrions-nous respirer, après les événements horribles de Boutcha, Irpin, Gostomel, Izyum et Marioupol!!! Comment pourrions-nous penser à l’avenir, sachant que dans nos villes natales de Kharkiv, Kiyv, Zaporozhye, Dniepr, les gens sont sous les attaques, dans le froid, sans lumière et sans eau? C’était notre enfer!

La guerre a tout changé en nous! Maintenant, elle coule dans nos veines! Elle ne sera jamais effacée de la mémoire des générations actuelles ou futures. Nous nous souviendrons toujours des milliers de tombaux jusqu’à l’horizon dans les cimetières! Les cris inhumains des veuves, des mères et des enfants pour leurs proches, pour nos héros! Un prix si élevé que nous payons chaque jour pour notre liberté ! Nous nous sommes tous réunis, les Ukrainiens: enfants, ados, adultes, ukrainophones et russophones, tous!

C’était notre expérience! L’expérience de la perte! Notre renaissance en tant qu’une nation unie. Nous sommes devenus plus unis que jamais! Le monde civilisé tout entier uni contre les ténèbres, pour la lumière! Que savions-nous auparavant de la force de notre peuple? Des notions telles que la force d’âme, le courage, l’entraide? Pouvions-nous vivre la douleur des autres comme la nôtre?

Et voilà! Nous avons tout fait, nous avons tout appris. Et cela signifie que nous n’avons pas le droit de rompre! Nous tiendrons bon, quoi qu’il nous en coûte!

La Russie est entrée en guerre avec le peuple ukrainien sans savoir de quoi il était capable ! Je suis fier de notre peuple! Je suis fière de nos guerriers! Je suis fière de mon mari, qui défend notre terre depuis les premiers jours de la guerre! Je suis reconnaissante envers les gens qui nous ont accueillis et aidés ici, qui nous ont donné de l’espoir et ont gardé le moral!

Nous marcherons vers notre but, et si nous ne pouvons pas marcher, nous ramperons! Nous avons le même objectif: la victoire! Merci à vous tous! Gloire à l’Ukraine!

Discours de solidarité d’une membre russe du comité de solidarité

Je suis russe et je suis en colère contre l’État russe qui a déclenché cette guerre désastreuse et meurtrière.

Je suis en colère également contre mes concitoyens qui se sont laissé influencer par la propagande poutinienne et qui justifient ou soutiennent cette guerre. J’étais en colère en 2014 lors de l’annexion de la Crimée et de la guerre du Donbass, je l’étais en 2008 lorsque l’Etat russe s’est attaqué contre la Géorgie, je l’étais lors de la première et la deuxième campagne tchétchènes, je le suis chaque fois où l’Etat russe et ses dirigeants pour satisfaire leurs ambitions impérialistes causent les souffrances et la mort à des milliers de personnes innocentes. Les terribles images de Bucha, Irpen, Izioum, Marioupol, Dnipro sont à jamais gravés dans ma mémoire. Je partage la douleur des Ukrainiens et je pleure les victimes de cette guerre. Mes deux grands-pères du côté maternel et du côté paternel étaient ukrainiens. J’admire le courage de ce peuple, sa joie de vivre, son sens de solidarité. Mais je pense que c’est aussi important de saluer le courage de celles et ceux qui résistent au régime poutinien à l’intérieur de Russie. Qui sont persécutés et mis en prison parce qu’ils ont osé de dire « non à la guerre ». Qui aspirent aux changements démocratiques dans leur pays. La seule issue pour la Russie dans cette guerre passe par le chemin de repentir, par la restitution des territoires occupées et par le payement de réparations.

C’est pourquoi je vais vous lire le message de l’association des Russes en opposition, La Russie du Futur:

Message de la Russie du Futur

« Nous nous adressons à vous au nom de l’association Russie du Futur. Cette communauté rassemble des Russes et des russophones vivant en Suisse.
Nous nous opposons fermement à l’agression criminelle de Poutine en Ukraine et nous sommes entièrement du côté de l’Ukraine et du peuple ukrainien. Cette guerre est une douleur et une honte pour nous et pour des millions de Russes. Nous exigeons le retrait immédiat et complet des troupes russes du territoire ukrainien jusqu’aux frontières de l’année 1991, le retour immédiat dans leur patrie des Ukrainiens déportés, y compris des enfants, et une indemnisation pour les dommages causés à l’Ukraine.
La Russie d’aujourd’hui est gravement malade. Cette maladie évolue depuis de nombreuses années. La société russe n’a pas réussi à protéger et à défendre les libertés et les valeurs démocratiques.
Les Russes en ont payé le prix – nos élections ont longtemps été transformées en farce, nos journalistes indépendants, enquêteurs sur la corruption, politiciens et militants de l’opposition ont été persécutés et tués pendant de nombreuses années.
Mais aujourd’hui, ce prix cruel a monté en flèche. L’Ukraine fait face à une agression violente et à des privations depuis la Seconde Guerre mondiale ! Le régime Poutine ne s’est pas arrêté à l’annexion de la Crimée en 2014 ; il a continué à alimenter et à parrainer le conflit armé dans l’est de l’Ukraine. Il y a un an, le 24 février, le régime de Poutine faisait un nouveau pas dans l’abîme. Cette journée sera inscrite comme la page la plus noire de l’histoire moderne de la Russie, de l’histoire de l’Europe.
Depuis une année entière, le peuple ukrainien résiste héroïquement à un ennemi largement supérieur en nombre ! Perdant ses fils dans des batailles sanglantes, perdant des femmes, des enfants et des personnes âgées sans défense dans des attaques brutales à la roquette sur des villes paisibles!
Notre devoir est de tout faire, tout ce qui est en notre pouvoir, pour aider l’Ukraine et l’Europe démocratique à vaincre l’agresseur!
Nous remercions chaleureusement les citoyens et politiciens suisses pour leur soutien au peuple ukrainien ! Nous vous demandons de continuer à soutenir l’Ukraine et ses citoyens!
Nous remercions sincèrement les diplomates suisses en Russie qui manifestent leur soutien en assistant aux audiences des hommes et des femmes russes menacés de peines de prison monstrueuses pour quelques mots contre la guerre!
Nous croyons qu’un jour la Russie redeviendra pacifique, respectable et démocratique. Gardez aussi cette foi dans vos cœurs!
Victoire à l’Ukraine! Liberté à la Russie!
Merci la Suisse! »