Défendre l’Europe contre le fascisme

Article paru dans Services publics (17 avril 2025)

Comment agir lorsque l’état du monde ne nous permet plus d’être pacifistes? La guerre contre l’Ukraine nous a tou-te-s plongé-e-s dans cette situation en 2022. Mais, au moment où l’armée russe traversait la frontière avec l’intention d’installer à Kiyv un régime à sa botte, des «expert-e-s en géopolitique» se croyaient en 1914 et assuraient qu’il s’agissait d’un banal affrontement inter-impérialiste entre la Russie et les États-Unis et qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Trois ans plus tard, ces Diafoirus ne comprennent plus rien, maintenant que la Maison Blanche a décidé de lâcher l’Ukraine et de se ranger du côté de la Russie.

Ces changements placent l’Europe dans une situation inédite, avec, sur son front est, une puissance qui souhaite sa destruction (il suffit de lire les déclarations des officiels russes et de leurs relais médiatiques pour s’en rendre compte), et un allié américain qui n’en est plus un, désormais uni à la Russie dans la même détestation de ce que représente l’Europe.

Les Ukrainien-ne-s nous avaient pourtant averti-e-s dès 2014, mais l’Europe a maintenu sa politique d’apaisement à l’égard de la Russie, convaincue que Poutine était certes un tyran sanguinaire avec sa propre population, mais un acteur rationnel dans les affaires internationales. La situation a changé, nous devons en prendre acte et agir selon cette nouvelle donne.

La guerre est aux frontières de l’Europe

Devant le péril nazi, des intellectuel-le-s qui avaient jusque-là été de fervent-e-s pacifistes ont eu la clairvoyance de changer de position. On peut songer à George Orwell et à Simone Weil, qui vont se battre en Espagne contre les fascistes, ou à Ernst Bloch, pacifiste convaincu pendant la Première Guerre mondiale (il fuit l’Allemagne pour ne pas devoir se battre) qui deviendra un adversaire déterminé du nazisme. Toute victoire, même partielle, de la Russie en Ukraine serait une catastrophe pour le continent, car elle ne ferait que préparer de futures invasions des pays baltes, de la Moldavie, voire de la Pologne, de la Roumanie ou de la Finlande. Dans ces conditions, l’Europe doit désormais savoir qu’elle est la seule à pouvoir aider les pays menacés ou attaqués par la Russie ou les États-Unis.

Dans cette nouvelle donne, nous devons aussi réfléchir au rôle de la Suisse. Trois options se présentent aujourd’hui. La première, que semblent poursuivre le Conseil fédéral et la majorité du Parlement, est d’augmenter massivement les dépenses militaires pour une armée dispendieuse et large- ment inefficace dont le programme principal est de se barricader dans une réactualisation plus ou moins paranoïaque du réduit national. La deuxième est d’ânonner la vulgate pacifiste en insistant sur la neutralité et en comptant sur la protection assurée par d’autres. Ces deux positions sont également insatisfaisantes. Or, il en existe une troisième, qui consiste à affirmer le statut européen de la Suisse, à considérer que le sort des Ukrainien-ne-s est lié à celui des Suisses, et que nous devons donc prendre notre part dans la construction d’une sécurité collective sur le continent. Dans un premier temps, cela signifie au minimum l’autorisation de la réexportation d’armes suisses vers le théâtre ukrainien.

L’attaque convergente de la Russie et des États-Unis contre l’Europe prend également une autre figure: leur soutien très actif aux partis d’extrême droite. La lutte contre le fascisme passe donc, comme toujours, par le renforcement de la sécurité sociale, des services publics, des travailleurs-euses et des syndicats. Penser qu’un réarmement qui s’accompagnerait de coupes dans les budgets sociaux serait une bonne politique risque de mettre l’extrême droite au pouvoir en Europe également, ce qui signalerait la victoire complète des forces fascistes dans le monde.

Comité de solidarité avec le peuple ukrainien et les opposant·es russes à la guerre